Albor Ruiz
NUL ne peut prédire quel sera le dénouement – s’il y
en a un – de la crise humanitaire créée par l’exode de
mineurs qui, en dépit de tous les obstacles, traversent
seuls et au péril de leur vie la frontière des États-Unis,
en provenance du Mexique et d’autres pays d’Amérique
centrale.

Des enfants détenus par la patrouille de la frontière
après être entrés clandestinement aux États-Unis dorment
dans une cellule à Nogales, en Arizona.
Mais ce qui est certain, c’est que si
l’administration de Washington tente de résoudre cette
crise par l’application rigide des lois actuelles, elle
ne fera qu’aggraver le chaos migratoire déjà existant,
résultat d’une longue liste d’injustices et d’erreurs,
comme les déportations massives, les énormes profits
liés aux prisons privées, les abus commis par les
patrouilles frontalières et le manque de volonté
politique pour régler la situation des 11 millions de
personnes sans-papiers qui survivent aux États-Unis.
Pourtant, telle semble être la solution choisie par
les autorités fédérales. Si tel était le cas, le rideau
pour le second acte de cette insolite tragédie serait
sur le point de se lever : le rapatriement de la
majorité des enfants aussi rapidement qu’humainement
possible. Si cela devait arriver, le spectacle ne serait
pas précisément cathartique.
Environ
50 000 enfants migrants sont arrivés aux États-Unis
depuis octobre 2013 en provenance d’Amérique centrale.
Ils sont placés dans des centres de détention, notamment
au centre de Brownsville au Texas, dans l’attente de
leur expulsion.
« Tous les mineurs que nous arrêterons à notre
frontière seront déportés en priorité », a déclaré le
secrétaire à la Sécurité intérieure Jeh Johnson. « La
priorité sera de leur appliquer nos lois sur
l’immigration, quel que soit leur âge », a-t-il indiqué.
Il a également affirmé que des conversations sont en
cours avec des représentants du Guatemala, du Salvador,
du Honduras et du Mexique sur la sécurité frontalière en
en vue d’« un rapatriement plus rapide ».
La répression et la force sont aussi les propositions
de républicains comme le congressiste de Virginie,
Robert Goodlatte, un anti-immigré enragé qui préside le
Comité judiciaire de la chambre.
Au
centre de Nogales, en Arizona, des mineurs en file
d’attente pour téléphoner. Ils seront placés dans
différents centres de détention pour jeunes avant d’être
renvoyés vers leurs pays respectifs.
« Le bruit a couru dans le monde entier sur la
faiblesse de la politique de protection de la frontière
par le président Barack Obama », a affirmé Goodlatte.
« Cela a encouragé davantage d’individus à venir aux
États-Unis illégalement, dont beaucoup d’enfants
d’Amérique centrale. » Pour le congressiste, l’afflux
croissant d’enfants est « un désastre créé par
l’administration ». C’est pourquoi, « appliquer la loi à
la frontière et à l’intérieur des États-Unis est crucial
pour mettre fin à ce type de situations ».
Il est clair qu’aussi bien Goodlatte que Johnson
préfèrent présenter cette situation comme un problème de
sécurité à la frontière, alors qu’en réalité il s’agit
d’une crise humanitaire aux proportions énormes. Pour
eux, les 90 000 enfants qui devraient arriver cette
année ne sont qu’un groupe « d’individus »
supplémentaires qui cherchent à profiter de ses riches
et généreux voisins du Nord.
Au
centre de Nogales, les enfants tentent de joindre leur
famille, avant d’être expulsés.
Goodlatte se trompe et l’administration d’Obama se
trompe une fois de plus. Les enfants ne viennent pas à
la recherche du rêve américain de plus en plus illusoire.
Ils fuient les dangers de la misère, du désespoir et de
la violence effrénée des cartels de la drogue et des
gangs meurtriers, qui « déplacent » toute une génération.
Plus que rejoindre le « rêve américain», c’est souvent
la violence des cartels d’Amérique centrale que ces
enfants fuient.
Mettre en place des lois plus strictes et expulser
plus d’enfants ne mettra pas fin à cette vague
d’immigration enfantine. Cela ne sera possible qu’en
leur donnant l’opportunité de survivre et de développer
leur potentiel dans leur propre pays.
Centre
de détention d’enfants migrants de Brownsville, au
Texas.
Par conséquent, l’unique solution efficace – et la
seule juste – est d’investir les milliards, qui jusqu’à
présent sont dépensés pour les réprimer, dans la
création de conditions permettant aux jeunes d’Amérique
centrale et du Mexique de ne pas être obligés de fuir à
n’importe quel prix.
Après tout, cet investissement ne serait qu’un
modeste « acompte » sur l’énorme dette contractée envers
eux, du fait, entre autres choses, des conflits armés
dévastateurs, financés par Washington à l’époque de la
Guerre froide et de son honteux soutien à des
gouvernements illégitimes et criminels. (Tiré de
Progreso semanal)