Salim Lamrani
DEPUIS le triomphe de la Révolution bolivarienne au
Venezuela avec l’élection du Président Hugo Chavez en
1998 (jusqu’à 2013) et la victoire de son successeur
Nicolas Maduro en 2013, El País, principal quotidien
espagnol et leader d’opinion, a délaissé l’impartialité
dans le traitement de la réalité de ce pays. Pis encore,
le journal espagnol a abandonné le journalisme équilibré
et nuancé au profit d’une critique systématique et à
sens unique du pouvoir démocratiquement élu de Caracas.
Une
démocratie ?

Grâce au projet de la Révolution bolivarienne du
président Hugo Chavez, de 1999 à 2011 le taux de
pauvreté est passé de 42,8% à 26,5% et le taux de
pauvreté extrême de 16,6% à 7%. |
Dans une tribune du 9 mars 2014, El País expose son
point de vue et déclare que « le Venezuela n’est plus un
pays démocratique ». Peu importe qu’il y ait eu 19
consultations populaires depuis 1998 et que les
chavistes aient remporté 18 de ces scrutins au cours
d’élections reconnues comme irréprochables et
transparentes par tous les organismes internationaux, de
l’Organisation des États américains à l’Union européenne,
en passant par le Centre Carter. Mieux encore, l’ancien
président des États-Unis, Jimmy Carter, qualifie le
système électoral vénézuélien comme étant le « meilleur
au monde ».
La liberté de la presse
Le quotidien madrilène déplore « une asphyxie
systématique de la liberté d’expression ». Là encore,
l’affirmation résiste difficilement à l’analyse. Selon
un rapport du ministère de la Communication et de
l’Information de 2011, en 1998, il existait au Venezuela
587 radios et télévisions dont 92,5% privées et 7,5%
publiques. Aujourd’hui, elles sont 938 dont 70% privées,
25% communautaires et 5% publiques. La Révolution
bolivarienne a au contraire multiplié le nombre de
médias télévisuels et radiophoniques et le paysage
médiatique est toujours dominé par le secteur privé.
Loin d’être étouffés, les médias privés ont ainsi
augmenté de 28,7% en 12 ans.
La
Révolution bolivarienne, un échec ?
Un an après la disparition d’Hugo Chavez, qui a
succombé à un cancer foudroyant le 5 mars 2013, El País
dresse un panorama assez sombre de la situation
vénézuélienne, par le biais de son correspondant à…
Miami : « Chavez a légué une opportunité perdue, une
économie en faillite qui ne tient que par l’endettement
et la spéculation ». Le quotidien ajoute que « durant la
dernière décennie de son gouvernement, le revenu
pétrolier du Venezuela a été sept fois plus important
qu’en 1998 quand il a assumé le pouvoir ». Cependant, «
l’inflation et les pénuries dont a souffert le pays de
façon cyclique durant la dernière décennie ont atteint
des pics alarmants parmi les secteurs les plus pauvres
».
À la lecture de ce bilan, on en conclut que la
Révolution bolivarienne a été un échec. Mais en fait, El
País occulte la réalité factuelle. D’abord, le quotidien
madrilène omet de souligner que si le prix du pétrole a
presque décuplé, c’est avant tout grâce à Hugo Chavez
qui a réussi à réactiver une OPEP moribonde en limitant
la production de pétrole et faisant passer le prix du
baril de 16 dollars en 1998 à plus de 100 dollars
aujourd’hui.
Ensuite, le journal évoque la situation des «
secteurs les plus pauvres » sans fournir de chiffres et
présente « l’inflation et la pénurie » comme des
conséquences de la politique chaviste. En réalité,
l’inflation a caractérisé l’économie vénézuélienne
depuis au moins 70 ans et les statistiques disponibles
sur la réalité sociale du pays apportent un démenti
implacable au point de vue de El País.
En effet, de 1999 à 2011, le taux de pauvreté est
passé de 42,8% à 26,5% et le taux de pauvreté extrême de
16,6% à 7%. Le taux de malnutrition infantile a été
réduit de près de 40% depuis 1999. Cinq millions
d’enfants reçoivent désormais une alimentation gratuite
à travers le Programme d’alimentation scolaire. Ils
étaient 250 000 en 1999. Le taux de malnutrition général
est passé de 21% en 1998 à moins 3% en 2012. Selon la
FAO, le Venezuela est le pays d’Amérique latine et de la
Caraïbe le plus avancé dans l’éradication de la faim.
Au classement de l’Indice de développement humain
(IDH) du Programme des Nations unies pour le
développement (PNUD), le Venezuela est passé du 83ème
rang en 2000 (0,656) au 73ème rang en 2011 (0,735),
intégrant ainsi la catégorie des nations à l’IDH élevé.
Le coefficient de GINI, qui permet de calculer les
inégalités dans un pays, est passé de 0,46 en 1999 à
0,39 en 2011. Selon le PNUD, le Venezuela, qui dispose
du coefficient de GINI le plus bas d’Amérique latine,
est le pays de la région où il y a le moins
d’inégalités.
En 1999, 82% de la population avait accès à l’eau
potable. Ils sont désormais 95%. Avant 1999, seules 387
000 personnes âgées recevaient une pension de retraite.
Elles sont désormais 2,1 millions à en bénéficier.
Durant la présidence de Chavez, les dépenses sociales
ont augmenté de 60,6%. Depuis 1999, 700 000 logements
ont été construits au Venezuela. Le taux de chômage est
passé de 15,2% en 1998 à 6,4% en 2012, avec la création
de plus de 4 millions d’emplois.
Depuis 1999, le gouvernement a remis plus d’un
million d’hectares de terres aux peuples aborigènes du
pays. La réforme agraire a permis à des dizaines de
milliers d’agriculteurs de posséder leurs terres. Au
total, plus de 3 millions d’hectares de terres ont été
distribués. En 1999, le Venezuela produisait 51% des
aliments qu’il consommait. En 2012, la production est de
71%, alors que la consommation d’aliments a augmenté de
81% depuis 1999. Si la consommation de 2014 était
similaire à celle de 1999, le Venezuela produirait 140%
des aliments consommés au niveau national. Depuis 1999,
le taux de calories consommées par les Vénézuéliens a
augmenté de 50% grâce à la Mission Alimentation, qui a
créé une chaîne de distribution de 22 000 magasins
alimentaires (MERCAL, Casas de Alimentación, Red PDVAL),
où les produits sont subventionnés à hauteur de 30%. La
consommation de viande a augmenté de 75% depuis 1999.
Le salaire minimum est passé de 100 bolivars (16
dollars) en 1999 à 2047,52 bolivars (330 dollars) en
2012, soit une augmentation de plus de 2000%. Il s’agit
d’un des salaires minimums en dollars les plus élevés
d’Amérique latine. En 1999, 65% de la population active
touchait le salaire minimum. En 2012, seuls 21,1% des
travailleurs disposent de ce niveau de salaire. Les
adultes d’un certain âge n’ayant jamais travaillé
disposent d’un revenu de protection équivalant à 60% du
salaire minimum. Les femmes seules et les personnes
handicapées reçoivent une allocation équivalente à 80%
du salaire minimum. Le PIB par habitant est passé de 4
100 dollars en 1999 à 10 810 dollars en 2011.
Depuis 1998, près de 1,5 million de Vénézuéliens ont
appris à lire, écrire et compter grâce à la campagne
d’alphabétisation, nommée Mission Robinson I. En
décembre 2005, l’UNESCO a décrété que l’illettrisme
avait été éradiqué au Venezuela. Le nombre d’enfants
scolarisés est passé de 6 millions en 1998 à 13 millions
en 2011, et le taux de scolarité dans l’enseignement
primaire est désormais de 93,2%. La Mission Robinson II
a été lancée afin d’amener l’ensemble de la population à
atteindre le niveau du collège. Ainsi, le taux de
scolarité dans l’enseignement secondaire est passé de
53,6% en 2000 à 73,3% en 2011. Les Missions Ribas et
Sucre ont permis à des centaines de milliers de jeunes
adultes d’entreprendre des études universitaires. Ainsi,
le nombre d’étudiants est passé de 895 000 en 2000 à 2,3
millions en 2011, avec la création de nouvelles
universités.
Au niveau de la santé, le Système national public de
santé a été créé afin de garantir l’accès gratuit aux
soins à tous les Vénézuéliens. Entre 2005 et 2012, 7 873
centres médicaux ont été créés au Venezuela. Le nombre
de médecins est passé de 20 pour 100 000 habitants en
1999 à 80 pour 100 000 habitants en 2010, soit une
augmentation de 300%. La Mission Barrio Adentro I a
permis de réaliser 534 millions de consultations
médicales. Près de 17 millions de personnes ont ainsi pu
être soignées, alors qu’en 1998, moins de 3 millions de
personnes avaient un accès régulier aux soins. 1,7
million de vies ont ainsi été sauvées entre 2003 et
2011. Le taux de mortalité infantile est passé de 19,1
pour mille en 1999 à 10 pour mille en 2012, soit une
réduction de 49%. L’espérance de vie est passée de 72,2
ans en 1999 à 74,3 ans en 2011. Grâce à l’Opération
Milagro lancée en 2004, 1,5 million de Vénézuéliens
atteints de cataractes et autres maladies oculaires ont
retrouvé la vue.
Loin de l’image apocalyptique présentée par El País,
la Révolution bolivarienne a été une indéniable réussite
sociale. Ainsi, selon le rapport annuel World Happiness
de 2012, le Venezuela est le deuxième pays le plus
heureux d’Amérique latine, derrière le Costa Rica, et le
19ème au niveau mondial, devant l’Allemagne ou l’Espagne.
Le cas du journal El País illustre l’incapacité des
médias occidentaux – dont la plupart sont entre les
mains de conglomérats économiques et financiers – à
représenter de manière impartiale et équilibrée la
Révolution bolivarienne. Il est une raison à cela : le
processus de transformation sociale initiée en 1999 a
bouleversé l’ordre et les structures établis, a remis en
cause le pouvoir des dominants et propose une
alternative sociétale où – malgré tous ses défauts, ses
imperfections et ses contradictions qu’il convient de ne
pas minimiser – les puissances de l’argent ne règnent
plus en maître, et où les ressources sont destinées à la
majorité des citoyens et non à une minorité.