Joaquin Rivery
DANS de nombreux endroits dans le monde, marcher ou
se reposer sous les arbres, profiter de la brise,
récolter les fruits de ses arbres et se baigner dans les
eaux courantes en écoutant le chant de l’eau entre les
roches, en sachant que l’on peut étancher sa soif, fait
désormais partie du passé.
Aujourd’hui, beaucoup de fleuves sont devenus un
danger du fait de la pollution de leurs eaux par les
rejets industriels, l’agriculture intensive, la
déforestation, les barrages, les déchets domestiques,
mais aussi le changement climatique.
Le développement de l’exploitation minière, des
services et de l’industrialisation exigent un usage
toujours plus important de l’eau et génèrent des déchets
abondants, dont beaucoup finissent dans le cours des
rivières. La navigation fluviale est souvent une cause
de pollution hydrique. Rappelons que les eaux
superficielles sont en général plus vulnérables à la
pollution d’origine anthropogénique que les eaux
souterraines.
Heureusement, Cuba a mis en œuvre un plan stratégique
de reboisement concernant une large frange des berges
des rivières, qui protège non seulement les lits, mais
aussi les sols que les eaux de pluies ont drainé,
déposant au fond des sédiments indésirables. De plus, de
nombreuses rivières de montagne déversent des déchets
qui nuisent à la faune aquatique. Les actions engagées
pour récupérer les forêts qui permettront d’assainir les
sols occupent déjà 30 % du territoire national, et leur
superficie devrait augmenter, ce qui fait partie du
combat contre le réchauffement climatique.
Le plus grave de la pollution fluviale, c’est qu’elle
est un signal d’alerte de la crise de l’eau douce, qui
menace sérieusement tous les continents, provoque le
manque d’eau et pourrait même être à l’origine de
guerres entre les pays.
Un document de la World Wildlife Foundation (WWF)
affirme que les principales sources d’eau dans le monde
se « meurent » du fait de l’action négative de l’homme.
Cependant, les actions engagées au niveau international
ne sont pas suffisantes pour protéger les indispensables
sources de vie.
Par ailleurs, la pollution s’infiltre jusqu’aux
nappes phréatiques, pénètre les aquifères et constitue
un risque supplémentaire, principalement pour les pays
les plus pauvres.
Voir dans certains films d’époque l’utilisation de
l’énergie hydraulique des moulins, sans occasionner de
dommages, constater que plus de la moitié des 500
fleuves les plus importants du monde sont pollués ou que
leurs lits sont en grande partie asséchés du fait de la
surexploitation, ne peut que rendre furieux.
Ainsi, le fleuve Salween qui prend sa source dans
l’est du Tibet, coule vers le sud sur presque 2 400
kilomètres, passe à l’est du Myanmar et débouche dans le
golfe de Martaban (mer d’Andaman) à Mawlamyine, est
considéré comme le plus pollué de la planète et
constitue un véritable danger pour la santé humaine des
habitants de ses berges.
Quant au Danube, la situation est si grave que la
Commission européenne a exhorté les pays qu’il traverse
d’entreprendre immédiatement sa dépollution. Notons que
la pollution a été accrue par les bombardements de
l’OTAN durant la guerre contre la Serbie.
En Amérique, l’estuaire du rio La Plata, formé par
l’union des rivières Parana et Uruguay, est pollué par
des eaux usées, dans lesquelles se mêlent résidus
industriels et domestiques depuis plusieurs décennies,
et où se sont ajoutés le déchets chimiques utilisés par
l’agriculture intensive.
Que dire du rio Bravo, le fournisseur d’eau
d’immenses zones arides des États-Unis et du Mexique ?
Frontière naturelle, il alimente tellement de barrages
et de canaux destinés aux différents besoins de l’homme
qu’on peut le traverser pratiquement sans se mouiller
les pieds à de nombreux endroits.
L’Amazone et l’Orénoque transportent dans leurs eaux
des quantités d’arsenic employé par les chercheurs d’or
illégaux (garimpeiros) et les entreprises qui extraient
de l’or de leur sable et de leurs berges.
Les États-Unis ont des lois draconiennes, mais le
gouvernement ne peut éviter les versements de déchets
dans le plus grand fleuve, le Mississippi, qui n’est
presque plus navigable du fait de l’importante
sécheresse.
Dans les glaciers de l’Himalaya, où il prend sa
source, le Gange est limpide et pur, mais à mesure qu’il
traverse les plaines indiennes, il est de plus en plus
touché par la pollution, qui le rend dangereux pour la
santé lorsqu’il déverse ses eaux qui n’ont plus rien de
transparent dans le Golfe du Bengale.
Le débit de l’Indus est de plus en plus faible, du
fait qu’il prend sa source principale dans les glaciers,
eux aussi durement frappés par le changement climatique.
Le Yangtsé, le plus long fleuve d’Asie, reçoit chaque
année 14 200 mètres cubes d’eau polluée, selon
l’Académie chinoise des Sciences. Le bassin du Mékong
est lui aussi pollué par l’arsenic, de même que les
puits qui ont été creusés dans ses alentours.
En Australie, le système fluvial Murray-Darling est
l’un des cas de destruction de la biodiversité, à cause
de l’introduction d’espèces exotiques.
Il s’agit des plus grands fleuves, mais il y a de
nombreuses rivières et des ruisseaux qui présentent
parfois une pollution tout aussi importante, avec des
conséquences graves pour la survie des populations sur
leurs rives.
Il s’impose de prendre des mesures urgentes, pour
tous les cours d’eau, sans exception, car sans eau pure,
les êtres humains ne peuvent pas vivre. Tout simplement.