L’Ebola aux États-Unis, une
question politique
Par
Andre Damon
Chaque nouvel événement dans l’éruption de l’Ebola
aux États-Unis révèle davantage le caractère
incompétent, indifférent et irresponsable de
la réaction officielle américaine à ce que
l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a
qualifié de « crise aiguë de santé publique
indéniablement la plus sévère des temps
modernes ».
Mercredi
15 octobre des responsables américains ont
annoncé qu’une deuxième infirmière de
l’hôpital ayant soigné Thomas Eric Duncan,
malade de l’Ebola décédé la semaine dernière,
s’était avérée atteinte de la maladie. On lui
avait permis de prendre deux vols sur un avion
de ligne, un aller-retour Dallas Cleveland
après avoir été exposée à la maladie. Plus
tard elle a déclaré qu’elle avait eu de la
fièvre pendant le vol de retour.
Mardi 14 octobre, le plus important syndicat
d’infirmiers américain National
Nurses United a révélé que les
infirmiers de cet hôpital avaient reçu des
instructions de l’administration de soigner
Duncan, un ressortissant du Libéria, avec une
partie du visage et du cou non protégée. On
leur a dit de compenser leur équipement de
protection inadéquat en enveloppant la peau
exposée de ruban adhésif médical.
Malgré les protestations des infirmiers,
Duncan a été laissé pendant des heures dans
une aire d’attente avec d’autres malades,
pouvant donc les infecter. Ses échantillons de
laboratoire sont passés sans protection à
travers le système de tubes de l’hôpital avec
la possibilité de contaminer le système tout
entier. On a ordonné par la suite aux
infirmiers qu’on avait obligés de soigner
Duncan avec des vêtements de protection
inadéquats d’assurer leurs activités
habituelles à l’hôpital, rendre visite à
d’autres malades avec la possibilité de les
infecter.
Ces violations scandaleuses des protocoles de
base anti-contamination Ebola ont eu lieu
après qu’on ait amené Duncan à l’hôpital pour
la seconde fois dans une ambulance parce que
des membres de sa famille se doutaient qu’il
avait contracté la maladie.
Mercredi 15 octobre le président Obama a réagi
à l’inquiétude croissante du public et aux
critiques en se faisant photographier avec des
membres de son cabinet dont le secrétaire à la
Défense Chuck Hagel et la conseillère à la
Sécurité nationale Susan Rice. Il a prononcé
une déclaration brève et superficielle et n’a
répondu à aucune question de la part des
médias dans ce qui était clairement une
tentative de limiter les dégâts.
On ne peut rien croire de ce que dit Obama ni
aucun responsable gouvernemental. Leur
préoccupation primordiale est de cacher leur
responsabilité pour ce désastre et non de dire
la vérité à la population ou de faire le
nécessaire pour la protéger.
Les premières victimes connues de la
négligence des responsables gouvernementaux et
hospitaliers ont été des travailleurs médicaux
dont la vie a été mise en danger sans aucun
souci des conséquences. L’indifférence
vis-à-vis de la sécurité et de la santé de ces
travailleurs résume bien l’attitude de la
classe dominante envers le bien-être de la
population entière. Ce n’est pas la première
fois qu’une crise a démasqué le fait que la
santé et les conditions sociales du public en
général n’intéressent aucunement ceux qui
détiennent le pouvoir économique et politique
aux Etats-Unis.
Voilà neuf ans, la quasi destruction de la
Nouvelle-Orléans par l’ouragan Katrina a
révélé au grand jour le manque total de
mesures préventives pour combattre l’impact
d’une inondation majeure dans une région
inondée maintes fois par le passé, ou pour
protéger la vie de la classe ouvrière dans une
grande ville américaine. Ce désastre a jeté
une lumière crue sur des conditions de
pauvreté choquantes et sur la réaction
tardive, dérisoire et totalement inadéquate du
gouvernement, qui a conduit à un bilan de
presque 2000 morts.
Juste cinq ans plus tard, une fuite de pétrole
gigantesque dans le Golfe du Mexique, le
résultat d’une explosion sur la plate-forme
pétrolière Deepwater Horizon, montrait une
fois de plus la négligence criminelle des
grandes sociétés et la complicité du
gouvernement. Ce désastre a été entièrement
d’origine humaine, le résultat d’économies et
de méthodes dangereuses de la part de BP qui
ont été facilitées par les organismes
gouvernementaux de réglementation. La campagne
de nettoyage a été confiée à la société
responsable du désastre en premier lieu.
Entre-temps il y a eu d’innombrables
explosions d’usine, incendies, désastres
miniers et accidents industriels dans des
villes de par les États-Unis.
L’élite dirigeante américaine et ses
représentants comme Obama abordent les
questions de sécurité et le bien-être de la
population américaine comme des agacements.
Celles-ci nuisent à la génération des profits
toujours plus importants des grandes
entreprises et des fortunes toujours plus
vastes des riches et des super-riches. Comme
tout autre aspect de l’infrastructure sociale
des Etats-Unis, le système de santé s’est
détérioré en conséquence des coupes
budgétaires et des bénéfices rapaces réalisés
par les groupes pharmaceutiques, les chaînes
privées d’hôpitaux et les groupes
d’assurances.
Pendant qu’on savait depuis des décennies
qu’une éruption d’Ebola pouvait se produire
aux Etats-Unis, aucun effort n’a été engagé
pour y faire face. Aucun vaccin n’a été mis au
point. Au contraire, les ressources
nécessaires pour s’occuper des questions
urgentes de santé ont été détournées au profit
de la guerre et de la conquête à l’étranger et
de l’enrichissement grandissant de
l’aristocratie financière américaine. Cette
semaine encore, le directeur-général de
l’Organisation Mondiale de la Santé, Dr.
Margaret Chan a expliqué le manque d’intérêt
pour développer un vaccin contre l’Ebola, en
disant qu’une « industrie motivée par le
profit n’investit pas dans les produits
destinés aux marchés qui ne peuvent pas payer.
»
Le Docteur Francis Collins, dirigeant des
Instituts nationaux américains de Santé, a
informé le Huffington
Post de ce qu’un
vaccin serait très probablement déjà
disponible si des coupes budgétaires de
milliards de dollars n’avaient pas eu lieu
dans la recherche médicale.
Ces désastres montrent la faillite et l’échec
non seulement d’un gouvernement, mais du
système de profit capitaliste lui-même. La
subordination de toute question sociale, y
compris la santé, à la recherche des profits
par les entreprises et la vénalité de l’élite
dirigeante, qui s’accompagne d’une division
irrationnelle du monde en Etats nationaux
rivaux, rendent impossible le développement
rationnel et l’utilisation socialement
bénéfique des forces productives. Au lieu de
quoi on trouve des niveaux de richesse
immenses et obscènes entre les mains d’une
minorité alors que les services sociaux de
base se décomposent et que la pauvreté
augmente pour la masse des gens.
Une campagne sérieuse pour stopper l’épidémie
grandissante d’Ebola en Afrique et sa
propagation aux Etats-Unis et à d’autres pays
nécessite:
-
La création d’une équipe internationale de
médecins, scientifiques et professionnels de
santé afin d’enlever la réponse à la crise
des mains des gouvernements aux services de
la grande entreprise. Cette équipe, en
développant un plan d’action global, doit se
voir attribuer toutes les ressources
nécessaires – quels que soient le nombre de
milliards de dollars à dépenser – pour
traiter ceux qui sont déjà malades et
empêcher la propagation de la maladie.
-
Un programme de recherche financé par l’Etat,
qui soit complètement indépendant de
l’industrie de santé orientée vers le
profit, des entreprises pharmaceutiques et
des sociétés géantes d’assurance, doit être
mis en place pour développer rapidement et
rendre disponible pour tous un vaccin anti-Ebola
comme un premier pas vers l’éradication de
cette maladie infectieuse et de toute autre
liée à la pauvreté.
Ceci n’est pas simplement une tâche
scientifique. C’est une question politique.
Il est nécessaire de tirer les conclusions
appropriées de l’éruption d’Ebola et de la
série de catastrophes qui l’a précédé. La mise
en œuvre d’une réponse humaine et rationnelle
à la crise d’Ebola, comme à tous les autres
fléaux sociaux propres à une société fondée
sur l’exploitation, nécessite une lutte de la
part de la classe ouvrière pour réorganiser la
société sur des fondations socialistes afin de
répondre aux besoins sociaux, et non au profit
privé. Cela comprend l’élimination du profit
du domaine de la Santé et la fourniture, comme
un droit social, de soins médicaux de haute
qualité.
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