LA Crimée fait désormais partie de la
Russie. Le 18 mars, le président russe
Vladimir Poutine et les dirigeants de Crimée
et de Sébastopol ont signé un accord
bilatéral visant au rattachement de la
nouvelle « république indépendante », ainsi
que celui de la ville de Sébastopol à la
Fédération russe.

Le vote en Crimée s’est déroulé
sans aucun incident. |
À cette occasion, le chef de l’État de ce
pays euro-asiatique a affirmé que la Crimée
est une « terre sainte russe ». « Tout a une
limite, et Washington a dépassé les
bornes en Ukraine », a déclaré le président
russe, en accusant l’administration nord-américaine
d’être habituée à agir selon la loi du plus
fort. Une allusion au soutien de la Maison-Blanche
et de l’Europe au régime de facto instauré
par la force en Ukraine.
Poutine a demandé au Parlement, aux
gouverneurs et aux membres du gouvernement
d’adopter une loi pour accélérer le
processus : « Je propose à l’Assemblée
fédérale – les deux chambres du Parlement
russe – d’adopter une loi pour rattacher à
la Fédération russe deux nouvelles entités :
la Crimée et la ville de Sébastopol », a dit
le président.
Selon plusieurs sources, l’accord signé
par le président russe est entré en vigueur
à partir de la date de la signature de
l’accord, et inclut une reconnaissance du
« statut autonome particulier » de
Sébastopol, le port de Crimée, où se trouve
stationnée la flotte russe.
La signature a eu lieu lors d’une
cérémonie solennelle dans la salle
Saint-George du Kremlin devant le plénum du
Parlement russe et les dirigeants de toutes
les régions.
QUELQUES DONNÉES POUR COMPRENDRE LA
CRIMÉE

96,77 % des voix pour le rattachement
de la Crimée à la Russie. |
1. Bien que la Crimée soit rattachée à
l’Ukraine, la majorité de ses citoyens sont
d’origine russe. La Crimée compte 1,9
million d’habitants. Plus de 60% de la
population est d’origine russe, contre 23%
d’Ukrainiens et 12% pour la minorité tatare
turcophone à majorité musulmane.
2. La Russie dispose d’une base pour sa
flotte, installée sur la mer Noire à
Sébastopol, la ville la plus importante de
Crimée. Selon le dernier accord signé en
2010 avec le gouvernement ukrainien, le bail
de la marine russe est maintenu jusqu’en
2042. « La Russie n’abandonnera jamais
Sébastopol », déclarait il y a deux ans,
Igor Kassatonov, commandant de la Flotte
russe de la mer Noire. Pour des raisons
géostratégiques, la Russie n’est pas
disposée à perdre la base de Sébastopol.
3. La Crimée est une région autonome de
l’Ukraine qui dispose de sa propre
Constitution. Aux dernières élections
présidentielles, la Crimée a voté
majoritairement pour Viktor Ianoukovitch,
qui dut s’enfuir de Kiev pour se réfugier en
Russie, à la suite des violentes
manifestations néofascistes qui se sont
produites dans le pays.
4. Les Tatars ont représenté pendant des
siècles la majorité de la population de
Crimée. Lors de la Deuxième guerre mondiale,
environ 20 000 Tatars collaborèrent avec
l’armée nazie (alors que des milliers
d’autres luttèrent dans les rangs de l’armée
soviétique). Accusées d’avoir collaboré avec
le régime fasciste, les populations furent
déportées en Ouzbékistan. Après la chute de
l’Union soviétique, on estime que 250 000
Tatars sont revenus en Crimée.
5. La Crimée fit partie de la Russie à
partir de 1792. En 1954, elle fut rattachée
à la République socialiste d’Ukraine sur
décision de Nikita Khrouchtchev.
6. Lors d’un sondage réalisé il y a deux
ans en Russie, 70% des Russes considéraient
la Crimée comme faisant partie de leur pays.
Par contre, seulement 30% considéraient que
la Tchétchénie fait partie de la Russie,
alors que la Tchétchénie fait partie de la
Fédération russe.
Lors du référendum du dimanche 16 mars
les habitants de la Crimée devaient se
prononcer sur deux questions :
a) Êtes-vous favorable à la réunification
de la Crimée avec la Russie dans les droits
de la Fédération de Russie ?
b) Êtes-vous favorable au rétablissement
de la Constitution de la République de
Crimée de 1992 et pour le statut de la
Crimée au sein de l’Ukraine ?
À l’issue du dépouillement de tous les
bulletins du référendum qui s’est tenu le 16
mars en Crimée, « le nombre de voix
favorables au rattachement à la Russie, avec
les mêmes droits que les citoyens russes,
s’élevait à 1 233 002, c’est-à-dire 96,77 %
des suffrages », a déclaré Mikhail Malyshev,
responsable de la commission du référendum.
Au total 1 274 096 personnes se sont
exprimées, ce qui représente 83,1 % des
inscrits. Seuls 2,51 % des votants se sont
prononcés en faveur de la permanence du
statut de la Crimée au sein de l’Ukraine.
En ce qui concerne le scrutin à
Sébastopol, selon le responsable de la
commission électorale de la ville, Valeri
Medvédev, 95,6 % des votants se sont
exprimés en faveur du rattachement à la
Russie. À Sébastopol, le taux de
participation a été de 89,5 %.
En fait, l’aspiration de la Crimée à
vouloir se séparer de l’Ukraine démantèle le
plan des États-Unis et des puissances
occidentales qui souhaitent contrôler le
pays le plus important pour la sécurité
nationale russe.
Une situation particulièrement grave, car
ce qui se joue dans cette région n’est autre
que le contrôle de l’Eurasie, une région que
le stratège britannique Sir Mackinder a
appelé « The Heartland » (le cœur du monde),
indispensable pour dominer le monde.
OBAMA ANNONCE DES SANCTIONS SUITE AU
RÉFÉRENDUM EN CRIMÉE
Le président des États-Unis, Barack Obama
a annoncé des sanctions contre sept
fonctionnaires russes après les résultats du
référendum en Crimée : Vladislav Sourkov (adjoint
du président de la Fédération de Russie),
Sergueï Glazyev (conseiller présidentiel),
Leonid Sloutsky (député de la Douma), Andrei
Klishas (président du Comité du Droit
constitutionnel, des Affaires juridiques et
judiciaires et du Développement de la
Société Civile du Conseil de la Fédération
de Russie), Valentina Matvienko (porte-parole
du Conseil de la Fédération), Dmitri
Rogozine (vice-premier ministre russe) et
Elena Mizoulina (députée de la Douma).
Des sanctions ont été également imposées
à l’encontre du premier ministre de Crimée,
Sergueï Aksionov ; le président du Parlement
de Crimée, Vladimir Konstantinov et le
président déchu d’Ukraine Viktor Yanoukovich.
La mesure consiste à bloquer les propriétés
et les comptes de ces fonctionnaires aux
États-Unis, ainsi de leur interdire l’entrée
sur le territoire étasunien.
Par ailleurs, les ministres des Affaires
étrangères de l’Union européenne ont décidé
de sanctionner 21 dirigeants russes et
ukrainiens à la suite du référendum en
Crimée.
Pour sa part, le vice-premier ministre
russe Dmitri Rogozine, inclus dans la liste,
n’a pas tardé à réagir sur son compte
twitter avec le message suivant : « Monsieur
Obama, que devrions-nous faire, nous qui
n’avons ni propriétés ni comptes à
l’étranger ? Vous n’avez pas pensé à cela ?
». (SE)