La
gauche espagnole prépare une alliance en vue
des élections générales
Miguel Lozano
UN an et demi avant les élections
générales, le climat politique en Espagne
laisse entrevoir la possibilité d’une vaste
alliance des organisations de gauche et des
mouvements sociaux afin de gagner les
élections et l’ouverture d’un processus
constituant.

Le député
d’Izquierda Unida Alberto Garzon rappelle
que la plupart
des Espagnols plaident pour un changement de
société.
Izquierda Unida (Gauche unie), la
troisième force politique du pays, a lancé
récemment un appel aux organisations de
gauche et aux mouvements sociaux pour unir
tous les efforts et converger vers cet
objectif.
Le député et responsable du Processus
constituant pour IU, Alberto Garzon, a
affirmé que l’Espagne est passée de
l’apathie à la participation politique, avec
une majorité qui souhaite un changement dans
la société.
Cependant, comme l’ont également reconnu
d’autres forces, ce parti estime qu’une
campagne en solitaire ne permettra pas de
priver l’élite politique et économique du
pouvoir pour forcer un changement.
Lors d’un meeting organisé pour présenter
la proposition de confluence, le
coordinateur fédéral de IU, Cayo Lara, s’est
prononcé pour une nouvelle Constitution qui
consacre le droit réel à l’égalité entre les
hommes et les femmes au travail, au logement,
à l’éducation et à la santé.
Il a insisté sur d’autres principes comme
la laïcité et un modèle d’État fédéral,
républicain et solidaire, afin de
neutraliser les mouvements séparatistes.
Cette initiative part du constat que les
gouvernements successifs issus du système
bipartite comme le Parti populaire (PP) et
le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE)
ont entravé l’exécution pratique des
principaux points de la Constitution de
1978.
D’après cette évaluation, le pacte
constitutionnel qui a garanti la transition
de la dictature de Francisco Franco
(1939-1975) à la démocratie a été rompu par
des impositions telles que la réforme en
2011 de la Constitution visant à privilégier
le remboursement de la dette au détriment
des droits sociaux.
De l’avis de Lara, cette Constitution qui
répondait au rapport de forces de l’époque a
fait son temps.
Même si la proposition d’une alliance des
forces de gauche n’est pas nouvelle, elle a
acquis une nouvelle connotation à la suite
des élections du Parlement européen du mois
de mai, qui ont confirmé la descente en
chute libre du PP et du PSOE.
Ces élections ont également vu l’arrivée
de nouvelles forces politiques comme
Podemos, un mouvement politique né il y a
quatre mois et devenu la quatrième force
politique avec plus de 1,2 million de voix.
Le succès de ce parti est attribué dans
une large mesure à l’apparition de nouveaux
dirigeants comme Pablo Iglesias, professeur
et communicateur social, qui propose un
discours frais capable d’attirer des
secteurs réticents à participer à la
politique, surtout parmi les jeunes.
Pour IU, Podemos et d’autres forces, la
possibilité de construire un bloc politique
et social ayant des chances d’obtenir le
gouvernement dans au moins plusieurs
communautés autonomes et les mairies de
grandes villes, dont Madrid, semble plus
proche que jamais.
Cependant, le projet de confluence est
encore à l’état embryonnaire et devra
surmonter des obstacles importants, dont
certains ont été énumérés récemment par
Podemos dans un document sur le changement
politique en Espagne.
Cette organisation reconnaît qu’elle se
doit encore d’être à la hauteur des attentes
qu’a suscitées son entrée par la grande
porte aux élections européennes, car, selon
ses propres dirigeants, le mouvement
apparaît comme une référence de la
dichotomie Nouveau/Vieux, difficile de
maintenir dans le temps.
Podemos, qui est en butte aux attaques de
la droite et de ses médias, reconnaît que le
passage du temps menace d’user ce projet et
de faire de cette formation un acteur
politique de plus dans le système de partis,
une formation à stratégie de croissance
lente dans un contexte stabilisé.
Par ailleurs, le mouvement met en garde
contre ce qu’il considère comme des analyses
excessivement optimistes sur la dégradation
du régime de 1978, car la crise politique
peut durer beaucoup moins longtemps que la
crise économique.
« Nous n’avons pas tout le temps du
monde : une bonne part de la contestation
sociale existante aujourd’hui découle d’une
crise d’expectatives qui ne se reproduira
pas pour les générations suivantes »,
estiment ses dirigeants.
Par ailleurs, la crise du PSOE ouvre des
opportunités pour une nouvelle majorité,
mais si ce parti parvient à se remettre de
sa perte de crédibilité, même partiellement,
il pourrait reconquérir l’espace perdu et
diminuer les options pour une force de
rupture.
Un autre aspect à prendre en
considération, selon Podemos, c’est la
possibilité d’une réoxygénation du PP à
travers la présentation d’évidences timides
selon lesquelles le plus dur est passé avec
les mesures d’ajustement, et que la relance
économique est proche. (PL)