Rafael Lam
BENNY Moré, en son temps, a été le symbole de la
capitale havanaise, par sa vie de bohème dans les
bars, les cabarets, les salons de danse, les
théâtres, les spectacles, les studios
d’enregistrement et dans la vie musicale.
Statue
en bronze de Benny, en taille réelle dans la ville
de Cienfuegos.
Il est arrivé à la capitale en 1936 et s’y est
définitivement installé en 1940. Le chanteur aurait
dit à son cousin Enrique Benitez Mora (El conde
Negro) : « Je reste à La Havane. Ou je m’enterre, ou
je m’en sors ».
Il déambulait dans les bars et les restaurants,
étant rejeté de nombreux endroits luxueux. Il vivait
dans des auberges insalubres, et chantait avec le
Cuarteto Cordero, le Septeto Figaro, l’ensemble
Cauto de Mozo Borgella, et celui des Matamoros.
En 1945, il part au Mexique et en revient en
1951. Lors de la première interview, il devait
déclarer au journaliste Don Galaor de la revue
Bohemia : « J’étais venu conquérir La Havane et je
ne m’avouais pas vaincu. Il fallait qu’on me voie.
J’avais confiance dans ma voix, dans mes chansons.
Avec une guitare sous le bras, je me suis lancé dans
la rue à chanter pour les touristes et je n’avais
pas honte, Carlos Gardel a fait comme moi. Cette
tragédie a duré trois ans, plus que je ne le pensais.
Je voulais chanter à La Havane. Triompher dans la
capitale. J’ai eu faim, j’ai passé de mauvais
moments, c’est vrai, mais rien ne valait le fait
d’être dans la capitale. Pour un paysan, être à La
Havane était le plus important dans la vie ».
En 1952, il enregistrait avec l’orchestre
d’Ernesto Duarte, il se présente aussi, avec
réussite, dans l’émission Mil Diez de la RHC Cadena
Azul, où il lance le rythme « Batanga » avec
l’orchestre de Rythmes de Cuba de Bebo Valdés.
Il a élu domicile dans plusieurs quartiers de La
Havane : Paula 111, quartier Hornos à Marianao, rue
Oquendo 1056, entre Clavel et Santa Marta, et
finalement Benny s’est installé en 1957, sur
l’avenue 43 entre 84 et 86, maintenant rue 243 entre
86 et 88), la Cumbre, le Caballo Blanco, quartier de
San Miguel del Padron, près du Ali Bar. La maison de
deux étages a été construite à la demande de Benny,
avec un jardin potager et des espaces pour élever
des oiseaux et des animaux.
LE JARDIN

Benny Moré reste le
représentant par excellence de la musique populaire
cubaine.
Nous connaissons son jardin à travers un
reportage de la télévision, dans le lequel on voyait
Benny coupant un régime de bananes et donnant à
manger aux cochons et aux poules, une de ses
habitudes pour maintenir ses traditions paysannes et
pour se débarrasser des tensions après ses
représentations et ses enregistrements.
La maison est assez bien entretenue, avec soin,
et on possède d’excellentes photos offertes par
Jorge Luis Sanchez, réalisateur du film El Benny. A
l’entrée, il y a une pancarte qui indique : « Ici
vécut le sonero Benny Moré, sang et miroir de notre
condition métisse, hommage de Cuba. Fondation de la
culture afro-hispano-américaine, Séville, La Havane,
1998 ».
Une de ses épouses, la danseuse Norayda Rodriguez
, a raconté au journaliste Félix Contreras que «
Benny était un type spécial... Je me souviens de ce
qu’il aimait manger : canard en sauce qu’il élevait
dans le jardin, il cuisinait des ragoûts, il buvait
des jus de tamarin... ce qu’il aimait le plus... ah,
et la queue de boeuf grillée, avec une sauce tomate
et poivron. Il aimait aussi manger des langoustes ».
Selon l’actrice Odalys Fuentes, le chanteur
aimait aussi manger des oeufs cuits à l’eau,
auxquels il ajoutait ail et huile pour résister à sa
boisson préférée, le rhum Peralta. Il n’aimait pas
la bière.
INAUGURATION DE LA BANDA GIGANTE
Benny
et sa Bande géante ont fait la joie du public avec
des rythmes comme le son, la guajira, l’afro, la
rumba, le montuno et le bolero.
La Banda Gigante s’est formée avec la
collaboration de plusieurs musiciens prestigieux. Ce
groupe a commencé ses répétitions dans un local à
Infanta et Pedroso, et il a débuté dans le programme
Cascabeles Candado de la CMQ Radio. Ils étaient
entre 15 et 20 musiciens. Il a bénéficié, à certains
moments, d’orchestration d’Eduardo Cabrera «
Cabrerita », Pedro Justiz « Peruchin » et de
Generoso Jiménez. Les vecteurs harmoniques sonnaient
à la manière de Bebo Valdés.
Clemente Piquero « Chicho » a révélé au cinéaste
Puri Faget que l’inauguration « a été sensationnelle,
spectaculaire, l’élégance des musiciens était
surprenante, avec des costumes croisés à quatre
boutons, cravate de soie, pantalon coupe tube et
chaussures vernis. Benny était vêtu de lin blanc
irlandais, cravate rouge, un oeillet à la
boutonnière de la veste et des chaussures à deux
tons. L’orchestre était magistral, personne ne
voulait en perdre un instant. Certains étaient
hypnotisés, obnubilés par le spectacle ».
Benny a chanté dans des cabarets de première,
seconde et troisième classe, La Campana, El Sierra,
El Palete, El Ali Bar. Il s’est aussi produit au
Montmartre et Tropicana. Au Monmartre, il s’est
produit avec Rita Montaner dans la super production
El Solar, sous la direction du chorégraphe Alberto
Alonso.
En 1958, il apparaissait dans le troisième show
du cabaret Tropicana, où il prouvait qu’il pouvait
remplir la salle à n’importe quelle heure.
Ses représentations en mars 1961 ont été
mémorables, dans les carnavals de l’avenue du Port.
Cette même année, il remporte le disque d’argent
pour Se te cayo el tabaco.
En 1962, il se produit au cabaret Caribe de
l’hôtel Habana Libre, dans les jardins de La
Tropical et de La Polar, le cabaret Sierra, Night
and day et à l’Amadeo Roldan, dans le cadre du 1er
Festival populaire de musique cubaine organisé par
Odilio Urfé. Il est présent les jours de
l’inauguration, le 12 septembre, au salon Mambi du
Tropicana.
AU ALI BAR

Le cabaret Ali Bar
est l’un des lieux emblématiques fréquentés par
Benny Moré à La Havane.
Le cabaret Ali Bar est l’un des lieux
emblématiques fréquentés par Benny Moré. Ce fut son
« quartier général », où il laissa la trace d’une
légende brillante. Dans ces représentations, il
partagea la scène avec tous les chanteurs les plus
en vue.
Benny Moré débuta au Ali Bar en 1953, avec un
petit groupe du cabaret, parfois renforcé avec le
trombone de Generoso Jiménez. Il s’est présenté une
seule fois comme un événement spécial avec la Banda
Gigante. Benny avait beaucoup d’engagements à Cuba,
mais il revenait toujours au Ali Bar.
Le grand compositeur et guitariste Leo Brouwer
disait de Benny Moré qu’il « a fait ce qu’il
ressentait et non ce qu’il lui convenait ».
Un hommage au roi du rythme pour son 95e
anniversaire, avec des souvenirs de son passage à La
Havane qui cette année aura 495 ans.