Elle dirige depuis 20 ans le chœur Schola Cantorum,
connu sous le nom de Coralina. Un excellent ensemble qui
se distingue par la maîtrise technique de
l’interprétation et la passion qui transparaît dans le
chant.
À l’occasion du 6e Festival Leo Brouwer de Musique de
chambre (28 septemble-12 octobre), nous avons dialogué
avec Alina Urraca sur différents sujets, notamment sur
sa présence à ce grand événement musical.
Au début le nom de la chorale a été difficile à
accepter par certains…
J’ai décidé d’appeler le chœur Schola Cantorum, car
c’est le nom d’une institution qui existe depuis le 4e
siècle : des écoles de chant et de respiration furent
créées près des cathédrales en Europe afin que les
enfants – à cette époque des garçons – apprennent à
chanter dans les chœurs des cathédrales. C’est la raison
pour laquelle j’ai choisi le nom de Schola Cantorum, car
le projet initial était d’enseigner le chant aux enfants.
Actuellement, ce type d’école existe dans plusieurs
pays. Par exemple, en Espagne, il y en a neuf, mais
aussi une importante à Mexico et une autre à Caracas. À
Cuba, il n’y en avait jamais eu, et c’est de là que
vient l’idée de créer une école de chant, à laquelle je
devais donner un nom. J’ai commencé à réfléchir : Chœur
de La Havane ? de Cuba ? Il se trouve que j’ai dirigé le
chœur de chambre de l’École nationale d’art (ENA) à
partir de 1979, que les gens ont toujours appelé le
Chœur d’Alina, si bien que j’ai associé les deux mots :
coro et Alina. C’est sûr qu’au début, cela semblait un
peu étrange, mais ce nom a plu et j’en suis heureuse.
Parlons du répertoire, de vos lignes de travail.

La Schola Cantorum
Coralina a obtenu plusieurs prix internationaux.
Réellement, notre répertoire est très varié. Nous
interprétons de la musique sacrée, de la musique
contemporaine, populaire, cubaine et d’autres pays,
principalement latino-américaine. Ce sont les lignes qui
nous plaisent le plus, sans négliger toutefois la
musique baroque, romantique ou classique.
Nous travaillons à partir de projets. Il y a quelques
années, nous avons monté un projet de musique ancienne
avec le compositeur catalan Josep Cabré et le groupe Ars
Longa, et un autre projet pour le 200e anniversaire de
la naissance de Franz Schubert.»
Tout au long de ces années, Coralina a participé à
plusieurs projets, dont certains avec d’autres ensembles
chorals prestigieux, dont les noms sont désormais
inscrits au firmament de la musique de concert à Cuba :
le chœur Exaudi, l’ensemble de musique ancienne Ars
Longa et la Camerata Romeu. En 2005, lors d’un concert
inoubliable, nous avons donné une série de concerts au
cours desquels nous avons interprété le Magnificat de
Bach, sous la direction de Zenailda Romeu.
Schola Cantorum Coralina revient au Festival à la
demande de Leo Brouwer...
Leo Brouwer nous a fait un grand honneur en nous
invitant à participer au Festival de musique de chambre,
qui est plus qu’un événement musical : c’est un festival
des arts cubains, mais aussi un festival international.
Au-delà de son expérience en tant que musicien, de son
intelligence et de sa très vaste culture, Leo va à la
rencontre des artistes dans le monde. C’est quelqu’un
qui s’y connaît en littérature, en arts plastiques, et
qui, grâce à sa très vaste culture sait associer les
arts entre eux. Ce Festival est bien plus qu’une fête,
c’est une démonstration de culture générale.
Quel répertoire au programme ?
Je suis très satisfaite car nous avons dû
dépoussiérer certaines partitions que nous avions à
notre répertoire, mais nous ne les avions pas chantées
depuis des années, et c’est très agréable. Au concert En
la ruta de la danza oculta, nous allons interpréter la
pièce Water Night, du compositeur nord-américain Eric
Whitacre, sur un texte du poète Octavio Paz, à
l’occasion du 100e anniversaire de la naissance de ce
grand intellectuel mexicain, prix Nobel de Littérature.
Whitacre a écrit une œuvre magnifique, très difficile
pour un grand chœur, et pour nous, c’est un grand défi,
parce que nous chantons sous un format de chœur de
chambre. Je suis très heureuse que Leo nous ait demandé
de l’interpréter. »
Whitacre a réalisé plusieurs compositions chorales
sur des poèmes d’Octavio Paz A boy and a girl,
Cloudburst, Little Birds, et Water Night.
Le titre original du poème est De l’eau nocturne dont
une des strophes dit :
La nuit des yeux de cheval qui tremblent dans la
nuit,
la nuit des yeux d’eau sur le champ endormi,
est dans tes yeux de cheval qui tremble,
est dans tes yeux d’eau secrète.
Coralina sera également au concert L’arc et la lyre,
un autre hommage à Octavio Paz, où nous interprèterons
Rytmus, du compositeur Ivan Hrusovsky (1927-2001).
Rytmus est une des trois études du compositeur slovaque,
très intéressante pour les chœurs qui souhaitent
inscrire des pièces différentes à leur répertoire, comme
c’est la cas de Coralina.
Mais de plus, nous interprèterons les Aleluyas
criollas para coro de voces blancas, de Leo Brouwer (I.
El pequeño músico II. El pequeño pregonero III. El
pequeño filósofo), écrites en 1965.
J’ai toujours adoré les trois Aleluyas criollas. Je
me souviens lorsque Carmen Collado les chantait à
l’époque où j’étais étudiante à l’ENA, et qu’elle
dirigeait le Chœur féminin Amadeo Roldan. Même si mon
chœur n’est pas féminin, les femmes de Coralina vont
chanter les trois Aleluyas de Leo.
Ce n’est pas tout. Les femmes de Coralina vont
chanter avec Haydée Milanés dans son concert Palabras.
Homenaje a Marta Valdés en su 80 aniversario, où elles
interprèteront la chanson Aida, sur des arrangements
d’Haydée, dédiée à cette grande chanteuse,
Marta a écrit cette chanson en 1973, dédiée à Aida
Diestro (La Havane 1924-1973), pianiste et directrice de
chœur, fondatrice en 1952 du quartette D’Aida, composé
d’Elena Burke, Omara et Haydée Portuondo et Moraima
Secada.
La chanson dit :
Aida, après tout ce que nous avons dit, tu vois
ta vie s’en est allée entre tes mains.
Aida, derrière la fumée, le sourire
malgré toute cette hâte.
Aida, la lune s’est est allée de ton paysage
Aida, mais tu as chanté pendant tout le voyage
Aida, en offrant toujours de l’harmonie
Au cours de ses vingt années de travail, la Schola
Cantorum Coralina a reçu de nombreux prix
internationaux, dont le Grand prix du Concours
polyphonique Guido d’Arezzo 2006, l’un des plus
importants du monde, du Concours de Habaneras et
Polyphonies de Torreviejas (Espagne) en 1999 ; le
concours de l’Île Marguerite (Venezuela) ; le concours
de Trelew, (Patagonie argentine) et à Miltemberg
(Allemagne.
L’ensemble a réalisé des tournées en Suisse, France,
Espagne, Italie, États-Unis, Argentine, Chili, Mexique,
Venezuela, Équateur, Allemagne et Danemark ; il a été
invité à chanter au Vatican, en tant que chœur principal
lors de l’Audience publique, ainsi qu’à la messe du
Corpus Christi, célébrée par le Pape, après la visite de
Jean Paul II à Cuba.
Coralina a enregistré plusieurs CD, avec des titres
comme Oh Magnum Mysterium, des œuvres sacrées d’auteurs
universels, latino-américains et cubains ; Canteme, des
chansons de Silvio Rodriguez, la preuve que les chansons
de Silvio peuvent être, et le sont de fait, des œuvres
pour chœur comme n’importe quel madrigal du 16e siècle ;
Chants de la messe du Pape à La Havane, (1998 / Jade,
France) ou De qué cantada manera, 2003, des textes du
poète national cubain, Nicolas Guillen.
La Schola Cantorum Coralina jouit d’une grande
reconnaissance pour sa qualité professionnelle, mais
elle se distingue par d’autres caractéristiques,
notamment la sensibilité de ses interprétations.
Le Festival Leo Brouwer nous offre la possibilité de
l’écouter dans une vaste démonstration de son répertoire.