David
Meseguer
ENTRECOUPÉE de nombreuses suspensions et
marquée par l’absence d’acteurs importants
du conflit, la conférence de paix en Syrie
dite « Genève-2 » s’est retrouvée très
affaiblie et offre peu d’espoir de trouver
une solution au conflit qui dure depuis près
de trois ans dans ce pays. Nous exposons ci-dessous
certains des facteurs qui pourraient
concourir à l’échec de cette initiative :
Division de l’opposition : La Coalition
nationale syrienne (CNS) est un amalgame de
groupes aux intérêts et aux parrains
étrangers différents. Des pays comme
l’Arabie saoudite, le Qatar ou la Turquie
tentent d’imposer leur position conformément
à leur agenda régional. La récente marche du
Conseil national syrien n’a fait que
fragiliser encore plus la Coalition, de même
que les rangs pro-qataris. La CNS reste
ferme sur un point : elle se refuse de voir
Bachar-el Assad jouer un rôle quelconque
dans la phase transitoire. Les positions des
deux camps semblent irréconciliables sur ce
qui constitue le principal obstacle.
Contrôle des zones sur le terrain : Alors
que le gouvernement a sous son contrôle de
vastes portions de territoire, l’Armée libre
syrienne, bras armé de la CNS, s’est
fragmentée et a perdu des territoires au
profit du Front islamique Al-Nosra, et de
l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL).
Le Front islamique, fusion de sept groupes
armés islamistes, qui comprend 45 000 hommes,
n’est pas représenté à la CNS. Le Front Al-Nosra
et l’EIIL, tous deux liés à Al-Qaïda,
contrôlent de vastes zones du nord du pays.
En conséquence, même si cela semble
improbable, en cas de négociations sur des
territoires, le CNS n’a rien à négocier, les
zones sous son contrôle étant insignifiantes.
Absence de la principale faction kurde :
En relation avec le point précédent, le
Parti de l’union démocratique (PYD, la
branche syrienne du PKK, le Parti des
travailleurs du Kurdistan), contrôle de
larges secteurs du nord du pays et n’a pas
été invité à la conférence de paix. Depuis
le Kurdistan syrien, dont la population est
estimée à près de 3 millions de Kurdes – 10%
de la population syrienne –, le PYD a averti
qu’ « on ne saurait concevoir de solution au
conflit syrien tant que le problème des
kurdes de Syrie ne serait pas réglé ». Le
fait que les Nations unies aient invité
toutes les parties exceptés les Kurdes
suscitera certainement une réponse énergique
de la principale formation politique kurde :
la ville kurde syrienne de Qamishlo a
annoncé une déclaration unilatérale
d’autonomie.
Absence de l’Iran : L’ONU a finalement
retiré son invitation à Téhéran face aux
pressions de l’opposition syrienne. Une
grave erreur, l’Iran étant le principal
allié de la Syrie et du Hezbollah, et ayant
pris une part active dans le conflit. Cette
guerre fratricide oppose les sunnites,
soutenus par l’Arabie saoudite, le Qatar et
la Turquie, et les chiites, qui veulent
s’assurer l’hégémonie au Moyen Orient. La
permanence de Bachar el-Assad au
gouvernement de Damas est essentielle pour
la survie de l’axe Téhéran-Bagdad
(gouvernement d’Al-Maliki)-Damas-Hezbollah
(Liban).
L’intérêt de la poursuite de la guerre :
Trois ans et 150 000 morts. Et le tunnel
syrien risque malheureusement de se
prolonger. N’oublions pas que l’issue de la
guerre ne dépend pas des Syriens, mais de la
communauté internationale et des acteurs
régionaux impliqués. Par delà les ventes
d’armes et les affaires dérivées du conflit,
plusieurs États souhaitent voir le conflit
se prolonger afin de maintenir leurs ennemis
sur le banc de touche. Les États-Unis,
Israël et l’Union européenne observent le
Hezbollah combattre les Islamistes et Al-Qaïda,
et ces derniers s’entredéchirer. Quant à la
Turquie, les combats en Syrie entre les
milices kurdes et les djihadistes ne sont
pas pour lui déplaire. Israël se frotte les
mains en voyant qu’après l’Iran, ses autres
ennemis régionaux sont sur le point d’être
écartés. Entre-temps, les près de 6 millions
de Syriens déplacés ou réfugiés continuent
de subir les conséquences dramatiques de la
realpolitik.
Bachar el-Assad, un moindre mal :
L’Occident a appuyé le coup d’État en Égypte,
ainsi que la chute des Frères musulmans. Par
conséquent, cela n’aurait aucun sens de
soutenir activement l’opposition armée
syrienne, au sein de laquelle les Frères
musulmans jouent un rôle important. Après la
montée de groupes djihadistes comme le Front
Al-Nosra et l’État islamique en Irak et au
Levant, Bachar el-Assad apparaît comme le
garant de la lutte contre le terrorisme
islamiste. Les récents contacts entre Damas
et les services secrets de plusieurs pays
occidentaux confirment le pari de l’Occident
sur le raïs. (Fragments tirés de Gara).